
Blue Wings 2020
L’été 2020 a été marqué par un événement militaire d’envergure pour l’Israeli Air Force (IAF), avec la tenue de l’exercice multinational Blue Wings. Cet exercice s’est déroulé en deux phases complémentaires qui ont permis aux pilotes israéliens de renforcer leurs capacités opérationnelles tout en approfondissant leur coopération avec plusieurs alliés européens, notamment la Luftwaffe allemande.
Une première semaine dédiée à l’entraînement tactique intensif
La première semaine de l’exercice Blue Wings 2020 s’est concentrée sur des vols tactiques intenses destinés à maintenir et perfectionner la préparation des forces aériennes israéliennes face à une grande diversité de scénarios de combat. Cette période a permis aux équipages de s’exercer aux combats aériens (dogfights), aux missions de suppression de défense aérienne ennemie (SEAD), ainsi qu’à la gestion de menaces sol-air, en particulier la détection et la neutralisation de missiles.
Les pilotes de l’IAF ont ainsi pu tester leurs compétences dans un environnement étranger et exigeant, confrontés à des menaces simulées réalistes dans des zones de conflit potentielles. L’utilisation de technologies avancées, tant dans les avions que dans les systèmes de guerre électronique, a joué un rôle clé dans le déroulement de ces missions.
La deuxième semaine : coopération avec la Luftwaffe et les Multinational Air Group Days
Durant la deuxième semaine, les F-16 israéliens ont rejoint les Multinational Air Group Days (MAG Days), un rendez-vous annuel organisé par la Luftwaffe sur la base aérienne de Neuburg en Bavière, visant à favoriser la coopération entre forces aériennes alliées européennes et extra-européennes. Ce rassemblement d’unités diverses favorise l’échange de tactiques, la standardisation des procédures et le renforcement des liens professionnels.
Les pilotes de l’IAF ont ainsi évolué aux côtés de leurs homologues allemands, déployant notamment des formations mixtes composées de F-16 et d’Eurofighter Typhoon. Cette collaboration opérationnelle a permis une meilleure compréhension mutuelle des capacités et des doctrines respectives, tout en consolidant une relation stratégique déjà très forte.
Un moment symbolique : le survol de Dachau et Fürstenfeldbruck
Le 18 août 2020 fut une journée mémorable au cours de ce déploiement. Une formation aérienne mixte, composée de deux Eurofighter de la Luftwaffe et de deux F-16 de l’IAF, dirigée par un avion de surveillance G550 israélien, a effectué un survol solennel des sites de Dachau et de l’aéroport de Fürstenfeldbruck. Ces lieux sont chargés d’histoire tragique : Dachau, premier camp de concentration nazi, symbole de la barbarie nazie ; Fürstenfeldbruck, théâtre en 1972 du massacre des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich.
Ce survol a été un hommage poignant aux victimes du régime nazi et un symbole fort d’amitié et de coopération entre Israël et l’Allemagne. Le général de division Amikam Norkin, commandant de l’IAF, a déclaré lors du passage radio au-dessus de la « vallée des ténèbres » :
"Voler ensemble au-dessus de la vallée des ténèbres, ne laissant place qu'à la lumière devant nous. Comme nous le promettons : plus jamais ça !"
"Voler ensemble au-dessus de la vallée des ténèbres, ne laissant place qu'à la lumière devant nous. Comme nous le promettons : plus jamais ça !"
Cette déclaration résonne comme un engagement commun à ne jamais oublier les erreurs du passé et à avancer main dans la main vers un avenir pacifique.
Des enjeux stratégiques au-delà de la simple formation
Blue Wings 2020 a ainsi incarné une étape cruciale dans le développement des capacités de l’IAF, lui offrant un terrain d’entraînement sophistiqué et international, loin de ses bases habituelles au Moyen-Orient. L’exercice a permis de renforcer les compétences tactiques en conditions simulées de haute intensité, tout en consolidant des liens diplomatiques et militaires essentiels à une région marquée par une grande instabilité.
Cette coopération exemplaire avec la Luftwaffe, un acteur clé au cœur de l’Europe, illustre également la volonté de l’IAF de s’intégrer davantage dans le paysage stratégique global, en s’appuyant sur des partenariats solides pour relever les défis de demain.

La base aérienne de Nörvenich
Située en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la base aérienne de Nörvenich est l’une des installations majeures de la Luftwaffe. Sa construction débute en 1952 sous l’égide de la Royal Air Force en Allemagne (RAF Allemagne), alors en pleine reconstruction de ses capacités en Europe de l’Ouest. Inaugurée officiellement en 1954, elle devient rapidement un centre stratégique pour l’aviation militaire allemande.
Dès 1958, la base accueille le Jagdbombergeschwader 31 (JaboG 31, le Fighter-Bomber Wing 31), unité emblématique de l’armée de l’air allemande. Cet escadron se distingue par son rôle pionnier dans l’introduction d’appareils américains sur le sol allemand : il est le premier à exploiter le F-84F Thunderstreak, un avion de chasse-bombardier supersonique, symbole des premières années de la Guerre froide. Cette modernisation illustre la volonté de l’Allemagne fédérale de s’intégrer pleinement dans la défense collective de l’OTAN.
En janvier 1959, le Jagdbombergeschwader 31 devient le tout premier escadron de la Luftwaffe à être officiellement affecté à une mission au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), renforçant ainsi l’intégration militaire de l’Allemagne de l’Ouest dans le dispositif occidental. Cette affectation marque le début d’une coopération étroite avec les forces alliées sur le territoire européen.
La base continue d’être à la pointe de la technologie aéronautique : en 1961, le JaboG 31 est le premier à introduire le Lockheed F-104 Starfighter, un avion emblématique de l’époque, connu pour sa vitesse et son design futuriste. Ce chasseur supersonique symbolise une nouvelle ère pour la Luftwaffe, qui modernise ses capacités tactiques face aux menaces croissantes de la Guerre froide.
Le tournant suivant se produit en juillet 1983 avec l’arrivée des Panavia Tornado PA-200, appareils multirôles de nouvelle génération. Nörvenich devient alors l’un des principaux centres d’opérations pour ces avions qui incarnent une avancée majeure en termes de polyvalence et de puissance de feu. Le Tornado a joué un rôle déterminant durant la Guerre froide et dans les conflits européens qui ont suivi.
Depuis juin 2010, le Fighter-Bomber Wing 31 pilote les Eurofighter Typhoon, l’un des avions de chasse les plus avancés technologiquement au monde, intégrant les dernières innovations en matière de furtivité, de maniabilité et de systèmes d’armes. La base de Nörvenich reste ainsi à la pointe de la puissance aérienne allemande.
Un rôle clé dans les exercices internationaux
La base de Nörvenich a également servi de plateforme majeure pour des exercices internationaux importants. Entre le 12 et le 27 août 1977, elle a accueilli un détachement de 18 F-105 Thunderchief de l’US Air Force Reserve (USAFR) dans le cadre de l’exercice « Coronet Poker ». Ces appareils, provenant du 301st Tactical Fighter Wing (TFW), comprenaient treize F-105D « Thunderstick II » et un F-105F du 457th Tactical Fighter Squadron (TFS) basé à la base aérienne de Carswell au Texas, ainsi que trois F-105D standards et un F-105F du 465th TFS de Tinker Air Force Base, Oklahoma.
Cette projection de forces américaines sur le sol allemand témoigne du rôle crucial de Nörvenich dans la posture de dissuasion occidentale durant la Guerre froide. La base permettait non seulement l’entraînement intensif des forces alliées, mais aussi leur intégration opérationnelle dans un contexte européen stratégique.

Le premier déploiement israélien en Allemagne : une étape historique
Le 17 août 2020 restera une date marquante dans l’histoire des forces aériennes israéliennes. Pour la toute première fois, l’Israeli Air Force (IAF) a déployé un détachement de six avions de combat F-16 « Barak » sur le sol allemand, plus précisément sur la base aérienne de Nörvenich, située en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Cette base est le fief du Luftwaffengeschwader 31 « Boelcke », une unité prestigieuse de la Luftwaffe équipée d’Eurofighter Typhoon, symbole d’une coopération militaire renforcée entre Israël et l’Allemagne.
Une force aérienne israélienne bien rodée
Le détachement israélien comprenait six F-16, répartis entre deux escadrons basés à la base aérienne de Hatzor : trois appareils du 101e Escadron « The First Fighter » et trois du 105e Escadron « The Scorpion ». L’IAF exploite un impressionnant total de 362 F-16, couvrant toute la gamme depuis les anciens F-16A/B jusqu’aux plus récents F-16I Sufa. Tous ces appareils sont profondément adaptés aux besoins spécifiques israéliens, intégrant une large gamme de systèmes électroniques développés localement, dont des équipements de guerre électronique avancée.
Ces avions ont une riche histoire opérationnelle. Ils ont notamment participé à des missions emblématiques, comme le raid sur le réacteur nucléaire d’Osirak en Irak en 1981, et ont accumulé plus de 47 victoires aériennes confirmées. En outre, les F-16 israéliens ont bénéficié dès les années 1990 de nombreuses modernisations, telles que le renforcement structurel des ailes et l’intégration de systèmes de gestion de vol et de mission conçus par Elbit Systems, ainsi que des systèmes ECM (contre-mesures électroniques) produits par Elisra. Ces évolutions leur valent la désignation spécifique IF-16.
Le F-16C israélien, propulsé par un moteur General Electric F110-GE-100 et doté d’une entrée d’air agrandie, symbolise cette personnalisation poussée et constante de la flotte pour répondre aux exigences tactiques locales.
Le rôle clé des Boeing 707 « Re'em »
Pour permettre le déploiement lointain des chasseurs F-16, l’IAF a engagé deux Boeing 707 « Re'em », des appareils de ravitaillement en vol stratégiques issus de la transformation des avions civils B707. Ces ravitailleurs jouent un rôle vital dans la projection de puissance israélienne, offrant aux chasseurs la capacité d’étendre considérablement leur rayon d’action grâce à leurs capacités de ravitaillement en vol.
Les « Re'em » sont un maillon essentiel lors de déploiements internationaux, garantissant que les F-16 puissent traverser de longues distances sans escale, et demeurer opérationnels en cas d’interventions prolongées ou de missions complexes. Leur présence lors du déploiement vers l’Allemagne illustre l’importance stratégique que l’IAF accorde à l’autonomie et à la portée de ses forces aériennes.
Soutien tactique et logistique avancé
À cela s’ajoutaient deux Gulfstream G550 du 122e Escadron de Nevatim, spécialisés dans les missions de renseignement : l’un équipé d’un système d’alerte précoce aéroportée conforme (CAEW), avec ses réseaux d’antennes latérales, et l’autre dédié au renseignement électromagnétique (SIGINT). Ces plateformes offrent une capacité de détection avancée et un soutien tactique indispensable au succès des opérations modernes.
Le déploiement était également soutenu par de nombreuses rotations de C-130H et C-130J, chargés de transporter le personnel et le matériel nécessaires, témoignant de la complexité et de la sophistication logistique d’une telle opération intercontinentale.
Vers une coopération de plus en plus étroite entre IAF et Luftwaffe
Ce premier déploiement aérien israélien en Allemagne s’inscrit dans un contexte de rapprochement progressif entre l’IAF et la Luftwaffe. Ces dernières années, la coopération bilatérale s’est renforcée, notamment à travers la participation d’Eurofighters allemands aux exercices « Pavillon Bleu » organisés sur la base d’Ovda, dans le désert du Néguev, au sud d’Israël. Ces échanges ont permis aux deux forces aériennes de mieux se connaître, d’échanger leurs savoir-faire et d’harmoniser leurs méthodes tactiques.
L’année 2020 a ainsi marqué une nouvelle étape symbolique : après plusieurs années d’entraînement conjoint en Israël, c’est désormais le territoire allemand qui accueille pour la première fois des chasseurs israéliens, preuve d’une confiance mutuelle accrue et d’une alliance stratégique durable.

