European Air Transport Command (EATC) & European Air Refuelling Training (EART)
L’EATC est une organisation européenne de coordination et de mutualisation des capacités aériennes de transport, de ravitaillement en vol (AAR – Air-to-Air Refuelling) et d’évacuation aérienne. Elle a été créée pour permettre aux nations membres de partager leurs moyens, de normaliser les procédures et d’accroître l’interopérabilité dans un contexte européen.
L’EART, quant à lui, est l’exercice annuel majeur organisé par l’EATC spécifiquement pour les équipages tanker (air et sol). Il se déroule traditionnellement en liaison avec un grand exercice de chasse (comme Ocean Sky) afin de simuler des opérations intégrées de ravitaillement et de combat aérien.
L’EART, quant à lui, est l’exercice annuel majeur organisé par l’EATC spécifiquement pour les équipages tanker (air et sol). Il se déroule traditionnellement en liaison avec un grand exercice de chasse (comme Ocean Sky) afin de simuler des opérations intégrées de ravitaillement et de combat aérien.
Pourquoi l’EATC & l’EART existent-ils ?
Lors de l’opération Unified Protector en Libye (2011), il est apparu qu’il existait une faille critique en matière de ravitaillement interallié : des tankers européens n’étaient pas disponibles ou leurs systèmes n’étaient pas compatibles avec tous les avions receveurs. Les flottes de ravitailleurs des nations européennes affichaient des profils hétérogènes (KC-135, KDC-10, A310 MRTT, VC10, etc.), avec des systèmes de ravitaillement « boom » ou « drogue/probe » pas toujours compatibles entre eux.
Ces constats ont conduit l’Agence européenne de défense (EDA) à instaurer un plan pour développer la capacité AAR. L’EATC, appuyé par l’EDA, a alors mis en place l’EART pour répondre à ces enjeux.
Ces constats ont conduit l’Agence européenne de défense (EDA) à instaurer un plan pour développer la capacité AAR. L’EATC, appuyé par l’EDA, a alors mis en place l’EART pour répondre à ces enjeux.
L’EART est la seule formation européenne dédiée aux ravitaillements organisés chaque année dans le cadre des gros exercices. Elle offre aux équipages de tanker la possibilité de s’entraîner à des scénarios peu fréquents dans le cadre national : ravitaillement multinational, tanker-à-tanker, coordination à large échelle. Elle constitue un banc d’essai de procédures inter-nations : certification croisée, échanges de données, normalisation des pratiques entre opérateurs et nations. Elle permet de valider des concepts d’avenir : nouvelles générations de ravitailleurs (A330 MRTT, A400M avec capabilité AAR, etc.), et ainsi d’augmenter le nombre de missions AAR en Europe.
L’EATC dispose d’un large éventail d’actifs de ravitaillement couvrant tout le spectre AAR : de l’hélicoptère aux gros transporteurs, en passant par les chasseurs et bombardiers receveurs. Parmi les caractéristiques : La mise en œuvre de systèmes « boom » et « drogue / probe » (ravitaillement en perche rigide ou souple avec le panier) pour couvrir l’ensemble des récepteurs alliés
Un exemple typique : le A400M et KC-130J peuvent ravitailler des avions à « probe » (Eurofighter, Rafale, FA/18, SU30…), tandis que le KC-767A ou l’A330 MRTT peuvent ravitailler des appareils à « boom » comme le F-16 ou le F-15.
Un exemple typique : le A400M et KC-130J peuvent ravitailler des avions à « probe » (Eurofighter, Rafale, FA/18, SU30…), tandis que le KC-767A ou l’A330 MRTT peuvent ravitailler des appareils à « boom » comme le F-16 ou le F-15.
Avec l’arrivée à maturité de nouvelles plateformes (A400M en version ravitailleur, A330 MRTT…) le nombre de missions AAR va croître significativement.
EART 2025 : Le laboratoire du ravitaillement en vol européen
Pour sa 11e édition, l’European Air Refuelling Training (EART) a imprimé un nouveau cap. Intégrée à l’exercice espagnol Ocean Sky, la manœuvre organisée par l’European Air Transport Command (EATC) se veut plus ambitieuse que jamais : consolider l’interopérabilité du ravitaillement en vol, mais aussi valider un volet encore jeune dans la stratégie européenne — la maintenance croisée, dite X-Maintenance.
Quelques chiffres :
- 58 sorties ;
- Plus de 600 tonnes de carburant transférées en vol ;
- Environ 140 personnes engagées (sans compter le personnel local de Lanzarote) ;
- Chaque nation participante doit fournir au minimum deux équipages qualifiés « combat ready » ;
- 2 sorties par jour d’une durée moyenne de 3 h 30, pour un total d’environ 200 heures de vol.
- 58 sorties ;
- Plus de 600 tonnes de carburant transférées en vol ;
- Environ 140 personnes engagées (sans compter le personnel local de Lanzarote) ;
- Chaque nation participante doit fournir au minimum deux équipages qualifiés « combat ready » ;
- 2 sorties par jour d’une durée moyenne de 3 h 30, pour un total d’environ 200 heures de vol.
Intégré à l’exercice Ocean Sky, le dispositif compte 51 avions de chasse, dont 40 disponibles quotidiennement. Le scénario oppose 25 appareils « Blue » à 15 « Red ». L’organisation clef de l’EART s’appuie sur une équipe dédiée, composée d’un superviseur de formation, de cinq mentors et de cinq officiers de liaison (LNO). « Nous remercions nos partenaires espagnols de nous accueillir sur leur terrain de jeu », glissa le Général Franck Mollard, commandant de l'EATC.
Un espace de manœuvre sans équivalent en Europe
Le théâtre des opérations, installé à 40 nautiques au sud de Gran Canaria, offre un joyau opérationnel : une zone de 200 nautiques de long pour 160 de large, de 2 000 pieds jusqu’à l’illimité. « C’est un espace très permissif. Aujourd’hui, il n’existe rien de tel en Europe », confie le Colonel Guido Henrich, directeur EART25. Sur ce terrain abstrait, un roman géopolitique en trois actes : Bluceronia, Feroxia, Neutinex – territoires bleus, rouges, et neutres, sur fond de réservoirs miniers et tensions énergétiques.
Dans ce tableau, l’EART se veut boussole tactique, et surtout un terrain d'apprentissage réaliste pour la nouvelle génération d’équipages et d’aéronefs de ravitaillement européens.
Matin pour les chasseurs, après-midi pour les tankers
Le cycle quotidien est précis. Aux premières lueurs, les chasseurs prennent l’air : 51 appareils estimés, dont 40 prêts à l'envol chaque jour. Au sol, un ballet soutenu d’A400M, A330MRTT Phénix, KC-30M de la MMU (Multinational MRTT Unit, uniquement la première semaine), et KC-767 italien. Si l’objectif premier demeure l’AAR (Air-to-Air Refuelling), l’exercice confirme aussi un virage : permettre aux nations partenaires de partager non seulement les missions, mais aussi la charge de maintenance.
X-Maintenance : De l’A400M au MRTT
« L’interopérabilité est notre maître mot », martèle le Lieutenant Colonel Alberto Marconi de la branche "training & exercise" de l'EATC. Après les succès enregistrés en 2022 sur la maintenance d’A400M français par des équipages étrangers — puis en 2024 en Alaska —, un nouveau chapitre s’ouvre : prouver que la maintenance commune fonctionne aussi sur l’A330MRTT.
Dans les faits, les premiers essais convainquent. Une équipe MMU remplace un pneu français pendant qu’un équipage espagnol effectue une inspection rapide sur un KC-30M. À la clé : gain de temps, d’argent, et surtout une confiance accrue. « C’est ce qui sauvera des vies en opération ». Le chantier est ambitieux : deux ans pour l’A400M, un an déjà validé sur la maintenance commune, prochaine échéance en vue pour les MRTT français, espagnols et allemands.
Haute intensité et réactivité
Les ordres de mission tombent quelques heures seulement avant décollage. Au centre de commandement (C2), les contrôleurs orchestrent jour après jour un flux continu de 40 chasseurs à ravitailler, 3 à 4 tankers en rotation, et une coordination d’autant plus délicate que toutes les combinaisons ne sont pas autorisées. L’AAR Matrix l’indique : certains appareils, tels que les F-15 américaines ou les Su-30 indiens ne peuvent ravitailler qu’avec certains voir aucuns tankers. Même au niveau tactique, la demande de tel ou tel tanker émane souvent des chasseurs eux-mêmes, illustration de la finesse du ravitaillement moderne.
Une ambition otanienne ?
Fort de sa petite centaine dA400M en flotte et d’une équipe désormais aguerrie à l’entraînement multiniveau, l’EATC affiche désormais une ambition claire : donner à l’EART une dimension otanienne complète. « Nous voulons être prêts en cas d’escalade à l’Est », reconnaît le Colonel Carlos Jimenez Andres, commandant de la base de Lanzarote évoquant la guerre en Ukraine, mais aussi la montée des tensions dans le Pacifique. « On est heureux d’avoir aujourd’hui des A400M et des A330MRTT au lieu de nos antiques KC-135 ».
EART 2025 n’est plus un simple exercice : c’est la démonstration tangible que les armées aériennes européennes peuvent — si elles le souhaitent — fédérer leurs moyens les plus critiques, et ce dans l’urgence opérationnelle. Un pari encore fragile, mais chaque rotation, chaque croisement de casques et d’outils dans les hangars de Lanzarote en témoigne : l’Europe se prépare, méthodiquement, au scénario du pire.
Au cœur du dispositif, le détachement français en première ligne
La France s’est présentée à l’EART 2025 avec un objectif clair : maintenir son rang dans la chaîne stratégique du ravitaillement en vol, tout en renforçant l’interopérabilité avec ses partenaires européens. Sous le commandement du Capitaine Simon du Landes, le détachement français a engagé un A330MRTT Phénix, articulés autour d'une petite trentaine de personnels engagés, constituants 2 équipages (Valiant 30 et 31) répartis sur les 2 semaines d'exercice.
Missions opérationnelles : « tout ravitailler »
« L’objectif ici, c’était de ravitailler tout ce qu'on pouvait pour faire travailler tout le monde », résume le capitaine Simon. Et c’est pratiquement mission accomplie : F-16 grecs et portugais, Eurofighter espagnols et allemands ainsi que les FA/18 espagnols. En vol, l’expérience s’appuie sur la MTF — multi tanker formation — une configuration multi-ravitailleur visant à réduire l’espace des « box », tout en conservant la sécurité aérienne : Avec des espacements réduits de 500 pieds en vertical et 1 nautique en horizontal, les équipages français ont démontré aux cotés des tankers espagnols, italiens et MMU une habilité reconnue permettant de réaliser des ravitaillements de plus de chasseurs dans un espace réduit. Les appareils ont enchaîné des vols d’une durée moyenne de 3h30 à 4h.
Objectifs atteints : boomers rigides et cross-crewing consolidé
EART 2025 marque une étape-clé dans la montée en puissance de la maintenance commune et du cross-crewing. Le détachement français a ainsi pu entraîner ses opérateurs rigides dans divers scénarios, dont des vols à haute intensité et des configurations multi-tanker.
La réussite est aussi logistique : en plus des opérations en vol, l’équipe française a contribué à la mise en œuvre de processus conjoints de prise en charge des escales. « Aujourd’hui, quasiment tous les chargements préparés en Europe peuvent entrer dans tous les avions du pool », note le Général Mollard. Quant aux mécaniciens, ils ont profité de l’exercice pour voler eux aussi — parfois sur A400M, parfois sur MRTT — renforçant la culture commune avec les équipages présents. Le matin même de ces interviews, c'est un mécanicien MMU qui a réaliser le départ du parking de Valiant 30.
FAS & EATC : une alliance pragmatique
Petite particularité : en France, les ravitailleurs appartiennent aux Forces Aériennes Stratégiques : le fer de lance de la dissuasion nucléaire. Ils mettent à disposition les Phénix dont ils n'ont pas besoin, contrairement aux autres pays qui placent l'entièreté de leur flotte sous le commandement de l'EATC. Ce système à double gouvernance s’est révélé décisif. « Lorsque les appareils français partaient à Nouméa pendant le pont aérien ou ailleurs dans le Pacifique, nous pouvions compter sur les KC-30M de la MMU pour assurer les missions en Afrique initialement prévues pour les Phénix », explique le Général Mollard, qui a joué un rôle crucial dans l'intégration de la 31e dans l'EATC.
Mais l’EATC n’est pas qu’un simple gestionnaire de flotte : Il joue un rôle moteur dans la formation des boom operators français, et dans le même temps il facilite l’accès aux chasseurs étrangers — comme les F-35 danois (la RDAF n'a pas de ravitailleurs) venant directement des US —. Le contexte à l’est du continent a également joué les accélérateurs. Les Danois ont ainsi émis le souhait d’intégrer l’EATC, tandis que les transferts de disponibilité ou de priorités de ravitaillement gagneraient encore en efficacité.
Pour le capitaine Simon, le bilan est limpide : « Cette édition a confirmé que l’EATC est indispensable à la montée en puissance du Phénix, en opérations comme en entraînement. On sort d’ici avec des équipages aguerris, des mécaniciens intégrés et des réflexes partagés. » Une vision claire d’un futur où les tankers européens — français, allemands, espagnols, ou MMU — volent non plus côte à côte, mais ensemble.
Un grand merci à l'EATC pour l'organisation de ce média day, ainsi qu'au Général Mollard et au Capitaine Simon pour leurs réponses à mes questions sur la participation française.