L'histoire d'Ocean Sky
Crée au début des années 2000 sous la forme d’un exercice DACT (Dissimilar Air Combat Training), Ocean Sky s’est imposé comme le principal rendez-vous de combat aérien de l'Ejército del Aire y del Espacio.
Organisé depuis la base aérienne de Gando, il tire parti d’un espace aérien dégagé et de conditions météo idéales pour le vol supersonique. Longtemps centré sur les unités espagnoles, l’exercice s’ouvre à l’international à la fin des années 2010 : l’édition 2019 marque le basculement vers le format actuel, combinant supériorité aérienne et coopération multinationale avec la présence de chasseurs américains, portugais et turcs. En 2020, malgré la pandémie, Ocean Sky maintient ses opérations et introduit des modules de ravitaillement en vol et de transport logistique.
À partir de 2021, l’exercice s’articule étroitement avec le European Air Refuelling Training (EART), organisé par l’EATC depuis Lanzarote : une intégration qui transforme Ocean Sky en véritable laboratoire européen de la puissance aérienne combinée. L’édition 2023 confirme cette dynamique, tandis que 2025 s’annonce comme la plus ambitieuse jamais organisée : 8 nations, une trentaine de chasseurs, 4 ravitailleurs et un dispositif interarmées complet entre Gando et Lanzarote — symbole d’une Espagne pleinement intégrée au réseau aérien européen et atlantique.
La clé de cette localisation est multiple : Le sud-de l’archipel des Canaries offre un espace aérien vaste, relativement peu encombré, des conditions météo stables (souvent ciel clair, peu de mauvaises journées) et donc des opportunités d’entraînements supersoniques sans limitations majeures. La base de Gando joue également un rôle stratégique pour l’Espagne, notamment dans la surveillance du flanc sud/Atlantique. De plus, la volonté d’internationaliser l’entraînement a conduit à inviter des alliés (OTAN ou hors-OTAN) pour renforcer l’interopérabilité, ce qui est un enjeu majeur dans le contexte européen.
Fonctionnement tactique & scénaristique
L’organisation d’Ocean Sky à Gando suit un schéma cohérent et bien rodé :
- Une phase théorique en début d’exercice, comprenant briefings, connaissance des appareils, sécurité de vol, conférences de génération et d’intégration des forces.
- Une phase opérationnelle intense : vols « comao » le matin et « shadow » l'après-midi sur des scénarios divers : Defensive Counter Air (DCA), Offensive Counter Air (OCA), High Value Asset Escort (HVA), Slow Mover Escort, Personal Recovery etc ...
- Une dimension logistique et soutien importante : ravitaillement en vol, transport de matériel, déploiements rapides, maintenance d’un haut niveau. Exemple, l’appui de l’Ala31 avec un A400M pour ravitaillement en 2020.
Rôle et importance stratégique
L’exercice joue plusieurs rôles stratégiques :
- Il permet au matériel et aux pilotes espagnols de maintenir un haut niveau de préparation dans un environnement exigeant, sans contraintes de trafic comme en Europe centrale ou méridionale.
- L’invitation d’alliés renforce la coopération OTAN/UE et permet de tester des tactiques réelles.
- Il montre une capacité de projection et d’entraînement dans un cadre « out of area » (îles Canaries), ce qui est utile pour les scénarios à longue distance et la présence dans l’Atlantique sud.
L'édition 2025
Comme chaque automne des années impaires, la base aérienne de Gando sur l’île de Gran Canaria est devenue le cœur battant du combat aérien européen. L’édition 2025, programmée du 15 au 31 octobre, marque un tournant : Elle combine les missions de défense aérienne (DCA) et d’attaque offensive (OCA) avec pour la deuxième fois une intégration complète du ravitaillement en vol grâce au European Air Refuelling Training 2025 (EART 2025), conduit par l’EATC depuis Lanzarote.
Cette année, une coalition impressionnante de nations et d’appareils, illustrant la diversité des doctrines et des technologies en jeu sont présents :
- Indian Air Force : 4 Sukhoi 30 MKI du 24 Squadron “Hawks”, première participation indienne à Ocean Sky, marquant une ouverture stratégique vers l’Asie.
- Luftwaffe : 4 Eurofighter Typhoon du Taktisches Luftwaffengeschwader 74 (TLG 74), représentant la ligne de défense européenne.
- Hellenic Air Force : 4 F-16C issus d’escadrons de chasse multi-rôles participants à l’effort d’interopérabilité OTAN.
- Força Aérea Portuguesa : F-16AM des escadrons 201 et 301, habitués des déploiements atlantiques mais seulement la première semaine.
- United States Air Forces in Europe : 14 F-15E Strike Eagle du 48th Fighter Wing basé à RAF Lakenheath, symboles de la puissance aérienne américaine en Europe.
- Ejército del Aire y del Espacio : De nombreux F/A-18M Hornet et Eurofighter Typhoon des Alas 11, 12, 14, 15 et 46, hôtes et pivots tactiques de l’exercice.
L’édition 2025 d’Ocean Sky se déroule dans un espace aérien unique en Europe : une zone d’entraînement située au sud de l’île de Lanzarote, s’étendant du niveau 2 000 ft AMSL jusqu’à l’altitude illimitée. Cette liberté verticale permet d’enchaîner combats BVR, engagements en basse altitude, ravitaillement en vol et couverture de hautes valeurs stratégiques sans contrainte d’espace, un atout rare sur le continent. Le cadre tactique repose sur un scénario géopolitique fictif opposant trois nations :
- Bluceronia (BLU) – camp « ami »
- Feroxia (FER) – camp ennemi
- Neutinex (NEU) – acteur neutre au centre du conflit
- Feroxia (FER) – camp ennemi
- Neutinex (NEU) – acteur neutre au centre du conflit
L’enjeu : le contrôle d’un gisement minier et d’un bassin pétrolier stratégiques situés en zone contestée.
Au total, 51 avions de chasse participent à l’exercice, dont 40 engagés quotidiennement, répartis en 25 appareils “Blue” contre 15 “Red” dans des scénarios air-air de plus en plus complexes L’intégration de l’EART ajoute une dimension supplémentaire : les missions de ravitaillement en vol soutiennent les forces tactiques, tout en servant de cible HVA (High Value Asset) pour les forces adverses, renforçant la pression opérationnelle sur les tankers.
Ocean Sky 2025 s’impose ainsi comme l’un des rares exercices européens combinant combats aériens multi-niveaux, gestion d’espace massif, ravitaillement en vol réel et scénario politico-militaire structuré. Un laboratoire grandeur nature pour un futur combat aérien interallié.
Gando et Lanzarote : un tandem stratégique
Le dispositif repose sur deux pôles :
- Gando accueille la majorité des chasseurs : sa piste de plus de 3km et les hangars de l’Ala 46 permettent d’héberger plusieurs contingents simultanément.
- Lanzarote concentre les moyens de ravitaillement aérien et le personnel EATC engagé sur l’EART 2025.
- Lanzarote concentre les moyens de ravitaillement aérien et le personnel EATC engagé sur l’EART 2025.
Ce dispositif double permet d’enchaîner ravitaillement et combat dans la même fenêtre horaire : une configuration qui rapproche Ocean Sky 2025 des standards d’opération réelle.
Un symbole stratégique
Au-delà de l’entraînement, Ocean Sky 2025 traduit une volonté claire :
- Renforcer la cohésion européenne,
- Entretenir la capacité de projection rapide des forces,
- Valider les standards communs de communication et de ravitaillement.
Pour l’Espagne, il s’agit d’affirmer son rôle de plateforme d’interopérabilité sur le flanc sud de l’OTAN, entre Europe, Atlantique et Afrique.
Pour ses partenaires, c’est un terrain d’essai précieux, un espace de confrontation tactique et un laboratoire d’avenir pour les coalitions aériennes. Vingt ans après ses débuts, Ocean Sky s’impose comme l’un des exercices de combat aérien les plus complets d’Europe.
Pour ses partenaires, c’est un terrain d’essai précieux, un espace de confrontation tactique et un laboratoire d’avenir pour les coalitions aériennes. Vingt ans après ses débuts, Ocean Sky s’impose comme l’un des exercices de combat aérien les plus complets d’Europe.
Le détachement indien
La participation de 4 SU30 MKI de l'escadron 24 "Hawks" Indian Air Force à l’Exercise Ocean Sky marque un nouveau pas dans l’ouverture internationale. Cette présence traduit plusieurs messages :
- L’Inde souhaite s’affirmer comme acteur global et non seulement régional, en intervenant dans un cadre multinational européen ;
- L’avion Su-30MKI montre sa capacité à opérer loin de ses bases habituelles et dans des scénarios de coalition, ce qui valorise ses systèmes d’avionique, ravitaillement et logistique embarquée mais également de combat air-air ;
- Pour l’hôte, cette participation étend le nombre de types d’appareils et de nationalités, enrichissant l’entraînement interallié.
- L’avion Su-30MKI montre sa capacité à opérer loin de ses bases habituelles et dans des scénarios de coalition, ce qui valorise ses systèmes d’avionique, ravitaillement et logistique embarquée mais également de combat air-air ;
- Pour l’hôte, cette participation étend le nombre de types d’appareils et de nationalités, enrichissant l’entraînement interallié.
Le fait d’opérer depuis une base comme Gando exige un soutien logistique renforcé pour les équipages, la maintenance et le ravitaillement. Ce type de projection démontre une montée en compétence du côté indien sur l’emploi “out of area”. Le timing est notable : dans un contexte d’accélération des entraînements internationaux (comme Iniochos, Cobra Warrior, Ocean Sky en Europe ou d’autres exercices Indo-Pacifiques), cette participation rend compte d’un besoin de standardisation et d’interopérabilité accrue.
Un pilote ajouta en souriant : "même si on joue toujours la red team pour des raisons évidentes, cela reste un plaisir de venir s'entrainer à la haute intensité en Europe".
Implications pour la coopération aérienne
Plusieurs effets se dégagent de cette participation :
Pour les Européens et l’architecture de l’European Air Transport Command ou des exercices comme l’EART, accueillir un appareil de la IAF augmente l’horizon de coopération. Cela permet d’échanger des pratiques — notamment ravitaillement, intégration des données tactiques, ravitaillement par perche. Pour l’Inde, c’est un signal fort : les Su-30MKI ne sont plus cantonnés à des zones traditionnelles, mais participent à des cadres multinationalisés depuis quelques années. Cela enrichit l’expérience des équipages et des mécaniciens, et augmente la crédibilité export ou diplomatique de l’avion.
Obstacles et enseignements relevés
La participation n’a pas été exempte de défis :
Le déploiement sur un tel exercice nécessite une avance logistique non négligeable — pièces détachées, ravitaillement, adaptation des équipements au théâtre. Les entraînements multinationaux requièrent une culture tactique commune, que l’Inde semble vouloir renforcer en participant à ce type d’exercice.
La présence des Su-30MKI indiens à Ocean Sky 2025 est à la fois symbolique et opérationnelle. Symbolique, parce qu’elle marque un engagement au-delà des frontières régionales de l’IAF. Opérationnelle, parce qu’elle démontre que ces appareils peuvent s’intégrer à des cadres multinationaux exigeants, comme celui du ravitaillement en vol ou des missions de haute intensité.
Un très grand merci aux équipages indiens pour leur accueil chaleureux et leur temps accordé aux prises de vues.