La dernière phase d'Orion23
Toujours dans l'optique de l'attaque d'un pays fictif (Arnland) par son voisin (Mercure) appuyé par des milices, nous voila arrivés à la quatrième et dernière phase de Orion23 : Du 19 avril au 5 mai, elle a mobilisé 12 000 militaires dans le Grand Est de la France. D'une ampleur inédite depuis trois décennies, elle mêle des unités françaises et étrangères simulées, jusqu'au niveau division, et des unités qui évoluent « en terrain libre », hors des terrains militaires. L'objectif est d’entrainer les armées à un affrontement majeur face à un ennemi de force équivalente, agissant dans tous les champs de conflictualité.
Après la planification opérationnelle (ORION 1), la phase d’entrée en premier (ORION 2) et les travaux civilo-militaires (ORION 3), ORION 4 vient éprouver les militaires lors d’une opération d'envergure. Cette quatrième phase, inédite par son ampleur et son ambition, associe des mouvements réels de troupes sur le terrain et d'autres simulés. Conçue et conduite par le Corps de réaction rapide-France (CRR-FR), commandé par le général de corps d'armée Gaulin, elle voit 12 000 soldats français, dont 1 700 alliés, se déployer principalement en région Champagne-Ardenne. Dans le domaine aérien, une cinquantaine d’avions de chasse, des ravitailleurs et avions de surveillance aérienne AWACS, seront chargés d’acquérir la supériorité aérienne. En mer, une Frégate multi-missions (FREMM) sera pré positionnée pour, si besoin, réaliser un tir fictif de Missiles de croisière navale (MdCN).
L’ennemi est représenté par l’armée de Mercure et son proxy, la milice Tantale. Après son agression à l’encontre de l'État fictif allié d’Arnland, la France lance une opération en tant que nation-cadre d’une coalition. Les objectifs sont de contenir, fixer et repousser hors du territoire arnlandais les forces mercuriennes.
Le plan allié se décompose en cinq phases principales : gagner la supériorité aérienne, réaliser une action de retardement du corps de bataille de l'ennemi, instaurer une ligne de défense et porter l’insécurité dans la zone arrière ennemie, engager une phase de contre-attaque blindée et une phase de sécurisation et restauration de l'intégrité du territoire.
D'énormes moyens engagés
La phase 4 constitue un véritable défi logistique. Cette mission est confiée à un groupement de soutien divisionnaire composé d'environ 1 500 militaires, installés à Vouziers, dans les Ardennes. Leur mission est d'assurer le soutien dans la durée et sans interruption de la division engagée dans les combats. Dans une telle phase, la composante logistique (secours aux blessés et soins, ravitaillement en carburant, en munitions, soutien alimentaire) constitue un véritable facteur de supériorité opérationnelle, afin de permettre à la force d'être plus résiliente que l’ennemi.
Que ce soit dans la phase 2, qui a démontré la capacité de la France à projeter son Échelon national d’urgence (ENU), ou la phase 4, ORION offre un cadre fédérateur pour les partenaires. L'accélération du risque de conflictualité et l'élargissement des champs de confrontation confirment la nécessité des alliances et du principe de solidarité stratégique. À cet égard, 1 700 militaires issus de nations alliées intègrent l'exercice. Parmi eux, des Américains, des Britanniques, des Espagnols, des Allemands, des Grecs et des Belges, partenaires de premier plan grâce au programme CaMo (accord intergouvernemental entré en vigueur en 2019 permettant à la Belgique de mandater la France pour passer des marchés d’acquisition de matériel en son nom et pour son compte). Par ce rôle de nation-cadre, les armées françaises démontrent leur capacité à manœuvrer une division multinationale dans un combat d'envergure et complexe pouvant aller jusqu'à la haute intensité.
ORION 4 vise également à produire des effets coordonnés dans tous les milieux (terre, mer, air, espace, cyber) et tous les champs (informationnel et électromagnétique). Pour les besoins de l'exercice, l’accent est mis particulièrement sur le champ des perceptions pour répondre aux enjeux de la guerre informationnelle. En complément, des actions cyber et dans le champ électromagnétique seront menées tout au long de la manœuvre. En développant l'entraînement dans ces nouveaux champs de conflictualité, les armées accroissent leur capacité à mener des conflits hybrides, caractéristiques des contestations et des affrontements actuels.
Le SCALP-EG (acronyme de « Système de croisière conventionnel autonome à longue portée » et d'« Emploi général »), anciennement « Arme de précision tirée à grande distance », est un missile de croisière développé fin 1994 par Matra et British Aerospace puis fabriqué par MBDA3. La version britannique est baptisée Storm Shadow. Cette arme est conçue pour frapper l'ennemi dans son territoire profond jusqu'à près de 400 km selon le président de la République François Hollande et même 560 km selon la Royal Air Force4,5, quelle que soit la défense aérienne, grâce à sa furtivité qui le rend presque indétectable, y compris par les avions radars AWACS3. Il fait partie, avec l'ASMPA et le MdCN, des missiles de croisière utilisés par l'armée française.
Les moyens aériens
Combats aériens, frappes dans la profondeur, projection de forces, protection de la division terrestre et des emprises à haute valeur… Pendant trois semaines, ce sont 50 raids aériens qui vont s’enchaîner de jour comme de nuit, essentiellement sur trois zones d’entraînement (Massif central, Nord-Est et Sud-Ouest). Cette campagne aérienne complexe sera menée depuis la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan et fera la part belle aux opérations aériennes d’envergure (COMAO, Composite Air Operation) internationales, avec notamment la participation de Rafale indiens, prenant part pour la première fois à l’exercice bilatéral « Volfa » intégré dans « Orion 23 », de Mirage 2000-5 grecs, de F-18 espagnols, d’Eurofighter 2000 et de Tornado allemands ainsi que de chasseurs des délégations américaine, britannique, italienne et néerlandaise.
La tactique était la suivante : Les ''sweepers'' balayaient la zone en affrontant les menaces air-air pendant que les ''strikers'' délivraient leurs SCALP sur les objectifs au sol. Pendant ce temps, les C135FR et A330 MRTT ravitaillent les appareils leur permettant de rallonger leur temps sur zone. Par la suite, les C130, A400M et EC725 Caracals procèdent a l’insertion de troupes et matériaux sur site, le mot d'ordre étant d'entrer en premier durant cette campagne aérienne et terrestre.
Colonel Sébastien Delporte, chef du bureau des relations extérieures de l’EMAAE : Notre coopération a connu un moment fort en 2016, lors de l’achat du Rafale. En 2021, le CEMAAE a validé, avec son homologue indien, des décisions stratégiques en matière de coopération, prévoyant notamment des escales croisées et la tenue d’exercices bilatéraux. L’exercice Garuda se déroule ainsi tous les deux ans, alternativement en France et en Inde. Nous sommes allés en Inde fin 2022 et nous recevrons nos homologues indiens en 2024, ou en 2025 si l’activité de l’AAE durant les Jeux olympiques nécessitait ce report. Nous avons invité les Indiens à participer à l’exercice majeur Orion, au printemps, en présence d’autres partenaires, pour les associer au travail en coalition.
Depuis 2016, nous accompagnons la mise en œuvre du Rafale. Nous cherchons à conserver leur retour d’expérience dans la durée sur leur façon de l’exploiter. Par ailleurs, les Indiens ayant acquis des Mirage 2000 il y a quelques années, nous leur avons dernièrement proposé la vente des Mirage 2000-C, retirés du service de l’AAE il y a quelques mois. Enfin, nous avons une comitologie, qui repose sur des réunions d’état-major que nous essayons de tenir annuellement, pour garder le tempo. L’AAE s’inscrit dans cette logique d’entretien de la dynamique. Ainsi, même si nous avons arrêté en 2022 une feuille de route pluriannuelle avec ce partenaire, l’AAE s’efforce d’entretenir ce partenariat et de conserver le point d’appui, les échanges et les retours d’expérience qu’ils nous offrent. Nous maintenons le cap.
M. le général de division Yves Métayer : Les résultats en matière de communication et de lutte informationnelle sont très difficiles à évaluer sur l’adversaire, un peu plus faciles sur nos partenaires. Ceux qui sont venus ont exprimé le satisfecit d’avoir pu s’entraîner dans des conditions très intéressantes sur l’interopérabilité. Il n’y a pas eu de bug majeur interdisant de communiquer avec une unité, aussi bien avec les hélicoptères espagnols qu’avec les Rafale indiens, venus pour la phase 4, qu’avec tous les bâtiments ayant participé à la phase 2. Nous avons eu un satisfecit de la part de l’Otan, puisque le commandant suprême des forces alliées en Europe (Saceur - supreme allied commander Europe) en personne, a dit de l’exercice Orion à l’ensemble des nations européennes membres de l’Otan que c’était vers cela qu’il fallait aller.
Rendez vous en 2026 pour la prochaine édition de Orion !