L'histoire des C-135
Le Boeing KC-135 Stratotanker, initialement connu chez l'avionneur comme le Model 717, est un avion ravitailleur quadriréacteur développé dans les années 1950 à partir du démonstrateur Dash 80. Conçu pour remplacer les KC-97 à moteurs à pistons, le KC-135 est le premier ravitailleur à réaction utilisé par l'United States Air Force (USAF). Entré en service en 1957 avec le 93rd Air Refueling Squadron de la 93rd Bombardment Wing, le Stratotanker est principalement utilisé pour ravitailler les bombardiers stratégiques B-47 et B-52 ; toutefois, il est largement utilisé pendant la guerre du Viêt Nam et la guerre du Golfe.
La France a acheté 12 C-135F (F pour France) lors de la création de la composante de sa force aérienne stratégique (FAS), voulue par le général de Gaulle.
Les C-135 de l'Armée de l'Air sont dérivés du Boeing 707, un avion de ligne commercial révolutionnaire dans les années 1950. À la fin des années 1950, la France a exprimé le besoin de moderniser sa flotte d'avions de transport, et c'est ainsi que le premier C-135 français a été introduit en 1964. Depuis lors, cette famille d'aéronefs a connu diverses versions et mises à niveau pour répondre aux besoins changeants de l'Armée de l'Air.
Pour celles et ceux qui l’aurait oublié le Boeing C-135FR n’est en rien une version francisée du C-135 Stratolifter mais un dérivé modernisé du KC-135E Stratotanker. C’est donc bien à la base un avion de ravitaillement en vol commandé dans les années gaulliennes pour permettre d’accroitre le rayon d’action des bombardiers Dassault Mirage IV-A. Le Boeing C-135F devait aider ce dernier à aller atomiser l’Europe orientale alors ennemi juré de notre Europe occidentale, en pleine guerre froide. Mais au fur et à mesure que les années passaient le ravitailleur en vol est devenu avion-cargo stratégique et même ambulance volante grâce au module Morphée.
Et pour permettre à ces nouvelles missions d’exister et à l’Armée de l’Air de rester au top entre 1985 et 1988 les C-135F ont été modernisés pour devenir des C-135FR, des avions « français rénovés ». La rénovation en question s’articulant autour de la dépose des vieux réacteurs d’origine au profit d’alors ultramodernes CFM International.
Polyvalence et rôle opérationnel
Les douze exemplaires arrivent sur la base aérienne 125 Istres-Le Tubé entre le 5 février et le 28 septembre 1964. Ils assurent dès octobre 1964 la toute première permanence nucléaire en soutien des bombardiers Mirage IVA.
Les C-135 de l'Armée de l'Air sont connus pour leur polyvalence. Ils remplissent un large éventail de missions, allant du transport stratégique de personnel et de fret à la reconnaissance aérienne et aux opérations spéciales. Grâce à leur capacité de ravitaillement en vol, ces avions jouent également un rôle essentiel dans le soutien logistique des avions de chasse en vol sur de longues distances, prolongeant ainsi leur portée et leur durée de patrouille.
Ces appareils, derniers de la série de Boeing, furent conçus suivant des configurations spécifiques à la demande française :
-transport de 102 passagers ;
-cargo avec plancher renforcé pour emport de fret ;
-configuration sanitaire pour 40 blessés ;
-double système de pressurisation et de conditionnement d'air.
Outre leur rôle dans les opérations militaires, les C-135 ont été déployés dans des missions humanitaires à travers le monde. Ces avions ont été utilisés pour acheminer des secours d'urgence, des fournitures médicales et du matériel vital vers des zones touchées par des catastrophes naturelles ou des crises humanitaires. Ils ont prouvé leur importance en tant que moyen rapide et efficace d'apporter une aide essentielle aux populations dans le besoin.
L'évolution technologique
Au fil des années, les C-135 de l'Armée de l'Air ont bénéficié de mises à niveau technologiques pour rester pertinents dans un environnement opérationnel en constante évolution. Les avancées dans l'électronique, les systèmes de communication, les performances de vol et l'efficacité énergétique ont permis d'améliorer les capacités de ces avions iconiques et de prolonger leur durée de vie opérationnelle.
Vers 1980, il apparaissait clairement que le KC-135A n'était plus adapté aux besoins, surtout en raison de son niveau de bruit et de pollution. Cependant les cellules, quoique déjà trentenaires, avaient bien vieilli (il faut dire que les appareils de ce type volent environ cinq fois moins par an que les avions de ligne) et le remplacement par des avions modernes était un projet trop coûteux. Il fut alors décidé de remotoriser les appareils, utilisant des turboréacteurs modernes en lieu et place des vieux Pratt & Whitney J57. L'heureux gagnant fut une version spéciale du CFM International CFM56 franco-américain qui équipe nombre d'avions de ligne. Plus de 400 avions furent modifiés et renommés KC-135R (pour re-engined) pour les anciens « A » et KC-135T pour les anciens « Q ».
Ce chantier fut coûteux, mais l'amélioration qui en découle est considérable. Le nouveau réacteur réduit la consommation en vol de 27 %, ce qui représente d'énormes économies de kérosène. Il pollue beaucoup moins et son niveau sonore est incomparablement plus bas (environ 10 décibels de moins pour le bruit au décollage de l'avion). Surtout, il offre 30 % de poussée en plus. Cela permet un décollage beaucoup plus court, augmente la vitesse ascensionnelle et accroît la quantité de carburant que l'appareil peut emporter. Cette augmentation, combinée à la réduction de sa propre consommation, permet au KC-135R de livrer bien plus de kérosène aux appareils à ravitailler : en fait, 2 KC-135R peuvent approximativement faire le travail de 3 KC-135A. Les versions de reconnaissance et de commandement en vol ont aussi bénéficié des nouveaux moteurs. L'armée de l'air française a fait effectuer la même modification sur ses avions qui furent, en toute logique, renommés C-135FR.
Ils emploient un système de ravitaillement souple qui utilise un « panier » (drogue) au bout d'un tuyau souple (hose) fixé en extrémité du télescope (système BDA=Boom and Drogue Adaptator), au lieu d'un injecteur (nozzle) utilisé pour le ravitaillement en vol des avions de l'USAF dits « rigides ». En 1986, une partie des KC-135 fut remotorisée avec des moteurs franco-américains CFM56-2B et rebaptisés KC-135R (reengine). La France décida de s'associer à ce projet et remotorisa ses 11 C-135F dénommés C-135FR. Ils sont mis en œuvre en 2009 par le Groupe de ravitaillement en vol 02.091 Bretagne.
Depuis l'achat d'avions AWACS Boeing E-3 Sentry par la France, ses 11 C-135FR équipés d'une nacelle en bout de chaque aile, modification réalisée en 1995, appelée MPRS (Multi Point Refueling System pour les États-Unis) et ses 3 KC-135R (non modifiés MPRS), achetés à l'USAF en 1997, sont aptes au ravitaillement rigide sur la perche en point central « Boom » après un échange du système « Probe and Drogue » et l'adaptation du « Nozzle ». Cette opération technique réalisable en une heure et demie environ, offre aux C-135FR une grande souplesse et diversité d’utilisation.
L'avenir des C-135 dans l'Armée de l'Air
La fin de la guerre froide n’a donc pas tué le Boeing C-135FR, loin de là d’ailleurs. Il a fait du ravitailleur stratégique un avion tactique capable de soutenir aussi bien les Mirage F1-CR que les Mirage 2000C et bien sur à l’aube du 21e siècle le Rafale. Au fil des années il est aussi devenu l’une des coqueluches des Français par une présence systématique au défilé aérien du 14 juillet. Mais le Boeing C-135FR, avion des années 1960 vieillissait. Et Airbus Military (aujourd’hui Airbus DS) était en embuscade.
C’est l’arrivée en unité des A330 MRTT Phénix qui a commencé à tuer le vieux quadriréacteur américain. Offrant à l’Armée de l’Air et de l’Espace une polyvalence et une autonomie bien supérieures au C-135FR le nouvel avion pousse son ainé vers la retraite, vers la casse en réalité. On rêve alors forcément qu’un de ces vieux ravitailleurs puisse jouir d’une retraite un peu plus dorée sur le tarmac du Musée de l’Air et de l’Espace, en reconnaissance des services rendus mais aussi de l’impact d’un tel avion sur l’histoire aéronautique de la guerre froide. Près du Mirage IV il aurait vraiment de la gueule !
La décennie 2020-2030 sera donc fatale à la flotte des Boeing C-135FR. Et usés jusqu’à la corde comme ils le sont il serait criminel d’envisager de les revendre. Les mécanos et équipages qui les mettent en œuvre actuellement font un travail hallucinant sur ces vieux avions.
La décennie 2020-2030 sera donc fatale à la flotte des Boeing C-135FR. Et usés jusqu’à la corde comme ils le sont il serait criminel d’envisager de les revendre. Les mécanos et équipages qui les mettent en œuvre actuellement font un travail hallucinant sur ces vieux avions.
La loi de programmation militaire (2009-2014) prévoyait le remplacement des C-135FR (version française des ravitailleurs KC-135) par 12 nouveaux appareils A330 MRTT5 mais il fut reporté à la Loi de Programmation Militaire suivante (2014-2019). En 2018, on prévoit 15 MRTT en remplacement des KC-135, dont les derniers seront retirés en 2024. Le premier C-135FR retiré du service a été le no 475, le 7 octobre 2020.
Depuis l’arrivée des A330 militarisés sur la base d’Istres, les C-135 sont progressivement retirés du service, tirant leur révérence après plus de 50 ans de bon set loyaux services. L’escadron de ravitaillement en vol 4/31 «Sologne» rassemble toujours, à l’heure actuelle, cinq C-135FR (sur les douze en service en 1964) et trois KC-135RG. Le premier ravitailleur C-135 FR à avoir été retiré du service, en octobre 2020, totalisait quelque 36000 heures de vol, servant dès les premières alertes de la dissuasion nucléaire française.
«Le dernier tanker C-135FR nous quittera fin 2023, lorsque le douzième MRTT aura été livré à l’armée de l’Air et de l’Espace, indique le capitaine Antoine, chef des opérations du “Sologne”. Ne resteront alors que les trois KC-135RG dont la date de retrait officielle n’est pas connue», ajoutet-il.
Jusqu’à son remplacement complet, la flotte historique de ravitailleurs demeure opérationnelle et engagée dans sa mission principale, la dissuasion nucléaire, mais également au profit de la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A) ainsi qu’en opérations extérieures. «Nos C-135 sont, depuis le mois de février, activement engagés, au même titre que les équipages MRTT, sur le flanc est de l’Europe», conclut le «chef ops». Leur présence dans les airs permet ainsi aux chasseurs et aux avions de détection français et étrangers d’assurer leurs missions de surveillance et de défense aérienne, sous le contrôle opérationnel de l’OTAN.
Quelles sont les capacités propres à l’A330 Phénix? Quel est le profil des équipages ayant rejoint l’escadron de ravitaillement en vol et de transport stratégiques 1/31 «Bretagne», en plein essor ces trois dernières années, suite au retrait progressif des C-135? Enfin, qui forme les personnels affectés sur ce nouveau transporteur aux technologies modernes et non similaires à celles de son prédécesseur ? Les pages suivantes, axées sur les capacités actuelles de ravitaillement stratégique de l’armée de l’Air et de l’Espace, vous aideront à en savoir davantage sur les missions et les enjeux associés au ravitaillement stratégique.